Ça fait plus d’un an que je n’ai rien publié ici… D’ailleurs, si vous tombez sur ce billet, c’est qu’à un moment donné vous avez suivi mes aventures et, là tout de suite, vous devez vous dire « Tiens, elle existe encore, elle? ».
Voui, j’existe encore 🙂 même s’il est vrai que j’ai très largement déserté ce blog qui m’a tellement apporté par le passé. Je ne vais pas entrer dans les détails du pourquoi et du comment, peut-être cela fera l’objet d’un futur billet ?
Il y a quelques jours, je suis tombée sur une vidéo de l’excellent Benjamin Brillaud, mieux connu sur les réseaux sous le nom de Nota Bene, un barbu au regard perçant féru d’Histoire. Son truc ? Rendre l’Histoire accessible à tous, vulgariser les grands thèmes historiques ou nous faire découvrir des épisodes et faits incongrus de notre patrimoine grâce à des vidéos courtes, dynamiques et bourrées d’humour. Bref, il est capable de vous rendre accro à l’Histoire grâce à son ton un peu décalé et son art de raconter. Il est passionné…et passionnant !
Bon, rassurez-vous, je ne vais pas vous balancer un cours magistral hein… Mais quand je suis tombée sur cette vidéo, j’ai immédiatement pensé à vous, mes lecteurs et lectrices, qui avez souffert ou qui souffrez d’obésité.
Quand on est gros, on s’est tous déjà entendu dire « J’suis pas né.e à la bonne époque, mes grosses fesses et mon gros ventre auraient fait fureur au XVII° siècle, y’a qu’à voir les peintures de Botticelli ou de Rubens! ».
Et que la grossophobie et le rejet des gros, bah c’est à cause des diktats de la beauté et de la minceur du XX° siècle. Eh bah non ! Et c’est donc Benjamin Brillaud, avec l’aide de son comparse québécois Laurent Turcot (un gros big up à son accent que j’adooooore) qui va vous l’expliquer dans ce mini-reportage dans lequel il vous retrace l’histoire de l’obésité du Moyen-Âge à aujourd’hui. Et vous allez voir que nos ancêtres n’étaient pas mieux lotis que les gros d’aujourd’hui…
Je vous laisse regarder son explication passionnante, pas envie de vous spoiler, mais vous allez voir, c’est juste édifiant !
Ce que j’ai surtout aimé, c’est sa conclusion. Au final, peu importe le physique de chacun. Ce qui compte, c’est le regard l’on porte sur l’autre. Ce regard emprunt de mépris, de dédain ou de jugement sur l’obèse. Ce regard qui finalement, blesse et nous rend encore plus invisibles dans la société. Je dis « nous », et pourtant je ne suis plus obèse aujourd’hui au sens médical du terme. Je ne fais plus 125kg ou presque avec mon IMC qui crevait le plafond. Mais je me sens encore extrêmement concernée car l’obésité est une maladie. Et même si aujourd’hui je suis mince, je ne me considère, quelque part, qu’en « rémission ». J’ai été obèse physiquement, mais je le resterai toujours dans ma tête.
Cela me rappelle une anecdote de prof. En collège, l’un des thèmes principaux que l’on travaille en langue étrangère c’est la représentation de soi et des autres. On apprend donc à décrire le physique des personnes. Pour entraîner mes élèves et partir de personnes concrètes, je m’amuse à les faire décrire leurs profs. A mes débuts, je leur faisais décrire des camarades et j’ai vite compris que cela les mettait mal à l’aise (peur de blesser, d’être blessé). Nous les profs, on a l’habitude d’être scrutés par nos ouailles. Habituée à leur regard, je leur demandais toujours de me décrire moi, à titre d’exemple. Cela ne me dérangeait pas, et pour eux c’était plus simple, j’étais pile poil face à eux. Cheveux, yeux, couleur de peau, taille, apparence… Hop, tout était passé au crible. Et arrivait toujours l’épineux problème de la corpulence. Ils ne savaient pas comment parler de ma corpulence, comme s’ils avaient peur de me vexer.
Ils ne voulaient pas utiliser le mot « Gorda » (gros, en espagnol). Je leur ai demandé pourquoi. « Mais Madame, « gros » c’est méchant ! c’est insultant ! c’est vexant! ». Je me souviens leur avoir dit ceci: « Dire que quelqu’un est gros, c’est comme dire qu’il est grand, petit, blond ou brun. Quand comme moi on fait plus de 120kg pour 1.60m, on est gros. Je suis grosse, c’est un fait, et je ne le prends pas mal. Ça ne m’empêchera pas de manger mes chocolats à Pâques ! ». Ils ont ri. « Ce que je veux vous faire comprendre, c’est que « gros » n’est pas une insulte. C’est le regard que la société, et que vous parfois, portez sur les personnes obèses qui ont fait que « gros » est devenu une insulte. On est tous d’accord que discriminer quelqu’un parce qu’il a la peau noire, c’est du racisme et c’est illégal. Et bien discriminer quelqu’un parce qu’il est gros, c’est pareil. En revanche, le mot « gros », c’est juste un adjectif simple. C’est le jugement de valeur que vous mettez derrière qui est insultant. Être gros, ce n’est pas être moins bien, moins intelligent, moins sympa, moins performant ».
Au final j’ai écrit au tableau « La profesora es gorda… ¡y no pasa nada! » (« La prof est grosse… et ce n’est pas grave ! »). Ils ont noté cette phrase dans leur cahier, à côté d’autres énoncés basiques en espagnol (M. Untel est barbu, Mme Unetelle est grande…). Et ils ont compris. Je raconte à mes élèves cette anecdote chaque année. Parce qu’il est important de leur faire comprendre l’importance de leur regard sur les autres. Parce qu’en tant que prof, que parent et qu’ancienne obèse, je crois en l’importance d’éduquer les plus jeunes et ainsi éviter des comportements blessants, que ce soit envers leurs camarades ou lorsqu’ils seront devenus adultes. Et que considérer l’autre en tant que ce qu’il est et non juste en tant « qu’image physique », c’est faire un grand pas vers l’acceptation de toute différence et de la diversité.
Je suis ses publications depuis plus d’un an maintenant (d’ailleurs, abonnez-vous à sa chaîne Youtube et à sa page Facebook, vous allez devenir accro !) et cet épisode m’a particulièrement touchée. On sent d’ailleurs qui lui aussi l’est particulièrement.
On parle beaucoup de nos jours de body positive, body acceptance, fat acceptance… Il n’y a qu’à voir le florilège de contenus avec ces hashtags sur les réseaux. Mais croyez-moi, on n’est encore loin du compte et le chemin à parcourir reste encore long et sinueux. L’obésité est une maladie mais cet état de fait est encore loin d’être accepté. Les gros restent encore et toujours stigmatisés… Bref, comme le dit Benjamin…
A bientôt !