Le 17-18 mai 2019 ont lieu comme chaque année les Journées Européennes de l’Obésité. Deux journées avec des conférences, ateliers, portes-ouvertes et autres manifestations autour de cette thématique un peu partout en France. Quand on sait que 10 millions de Français souffrent de surpoids ou d’obésité, on peut dire qu’il s’agit d’un thème de société ! J’aime assez l’affiche, très girly, avec une jeune femme très jolie et lookée (big-up pour la jupe taille haute très rétro ! #pinupapproved) avec des p’tites ailes de papillon et une baguette magique, on dirait une fée !
Ce qui me plaît surtout ? Qu’enfin on mette en avant que l’obésité est une MALADIE ! Eh oui ! N’en déplaisent aux moralisateurs et bien-pensants qui pensent que le gros ne sont que de grosses feignasses qui passent leur temps à bouffer des saloperies.
La baguette magique ? Une référence qui me parle et qui sonne ici comme une sorte de mise en garde. Par rapport à quoi me direz-vous ? Perso j’y vois une référence à la chirurgie de l’obésité, la fameuse chirurgie bariatrique (sleeve, by-pass & co). S’il y a bien une formule que j’ai entendu durant tout mon parcours pré-op (ici, là et encore là), c’est que le by-pass n’est pas une baguette magique !
Bref, un timing parfait pour France 2 qui a programmé mercredi une soirée spéciale « Grossophobie » avec la projection du téléfilm « Moi, grosse » avec Juliette Katz, d’après le livre On ne naît pas grosse de Gabrielle Deydier, suivie d’un débat autour de l’obésité et des discriminations liées à cette maladie.
En tant qu’ancienne obèse, je ne pouvais pas passer à côté de cette soirée. C’est sûrement la 1ère fois que l’on voit, en prime time, un film sur cette thématique, et j’ai envie de dire, il était temps bordel ! Je ne m’attarderai pas sur le débat de 2ème partie de soirée qui était très intéressant, grâce notamment aux interventions du Pr François PATOU, spécialiste de l’obésité, dont les mots déculpabilisants et bienveillants (j’vous rassure, ce n’était pas du Oui-Oui non plus hein) ont du, je l’espère, aider de nombreux téléspectateurs.
J’ai trouvé le film globalement sympa. Le fait qu’il parte d’une histoire vraie, bien que romancée pour les besoins de la fiction. Je me suis beaucoup retrouvée dans ce que vit Raphaëlle, l’héroïne interprétée par l’adorable et jolie Juliette Katz. Raphaëlle, jeune femme de 145kg, perd son travail d’animatrice en centre de loisirs car elle fait, soit-disant, peur aux enfants, dixit les parents. Puis la spirale infernale: chômage qui dure, discrimination lors des entretiens d’embauche, découvert à la profondeur abyssale, loyers impayés, expulsion de son logement… Raphaëlle finit par dormir dans la rue et faire la queue à la soupe populaire avant d’être logée par une ancienne voisine puis par une amie.
Je me suis beaucoup retrouvée dans ce que vit l’héroïne interprétée par l’adorable et jolie Juliette Katz. L’épreuve du vestiaire au bahut, où moi aussi je redoutais de me changer devant mes camarades, cherchant à me planquer ou attendant que tout le monde parte avant de me mettre à poil. Les insultes et surnoms vexants des autres gamins. Le harcèlement quasi quotidien. Les regards dédaigneux des gens, dans la rue ou au restau.
Dès le début, une phrase me marque: « Tu veux ressembler à la dame ?? » dit une mère dans le film à sa fille en lui enlevant la sucrerie qu’elle était en train de manger. Une façon de montrer à quel point le regard que l’on porte sur les autres (et sur soi) est le reflet de l’éducation que l’on a reçu. Que l’on parle de grossophobie, de racisme, d’homophobie ou de n’importe quel autre comportement de rejet de la différence.
D’ailleurs, les parents de l’héroïne prennent cher dans le téléfilm. Entre les piques assassines du père (« Tiens, v’là la brindille ! », « Si tu crois que c’est facile d’avoir une fille comme toi! ») et la mère qui juge l’apparence de sa fille mais n’a de cesse que de la gaver, c’est un point essentiel qui est mis en lumière dans les causes possibles de l’obésité.
Concernant la discrimination à l’embauche, on ne peut pas nier qu’elle existe. Bah oui, entre la nana qui fait une taille 36 avec un joli visage et un bac+5 et une nana qui s’habille en taille 52 avec le même joli visage et les mêmes qualifications, faut pas se leurrer, c’est la première qui aura le poste, et pas la grosse. C’est bien connu, le gros est fainéant, le gros est incapable, le gros ne prend pas soin de lui, le gros est un poids pour l’entreprise, un boulet.
Un bel aphorisme pour dire qu’en fait, plus t’es gros, plus t’es con.
Heureusement pour moi, je n’ai jamais souffert de ça dans ma vie professionnelle, ni quand j’étais étudiante et cherchais du travail ni par la suite. Mais pourtant j’ai toujours cette peur au fond de moi lorsque j’ai passé le CAPES. Je ne pouvais m’empêcher d’imaginer que jamais on ne donnerait le concours à une personne obèse car un prof obèse, c’est un prof en mauvaise santé qui sera souvent absent, qui sera victime de moqueries récurrentes des élèves et sera fragile psychologiquement.
Et puis vient le cortège des toutes les petites humiliations quotidiennes: les regards en coin des gens, le cauchemar des chaises à accoudoirs dans lesquelles tu sais que ton Q majuscule ne rentrera pas ou dans lesquelles tu auras peur de rester coincée… (Pour ma part j’avais l’angoisse de la chaise pliante ou de la chaise en plastique) Les regards méprisants des gens dans les transports en commun ou dans les ascenseurs (bah oui quoi, elle prend trop de place la grosse vache ! il lui faut deux sièges ! pourvu qu’on reste pas coincés dans l’ascenseur avec elle !). Pour le bus, je vous avouerai que parfois, il m’arrivait de me tenir le ventre et de me le caresser telle une future-maman, de peur d’être jugée. Au moins j’évitais les regards de travers et parfois même, on me filait une place assise dans le bus (#bonplan) Eh ouais, personne n’osera juger une femme enceinte. Par contre une femme obèse, allons-y gaiement.
Et les relations amoureuses dans tout ça ? J’ai été agréablement surprise de la façon dont a été traité ce point dans le téléfilm. Pour la première fois (de mémoire), on a vu en prime time une scène de fesses avec une femme plus que dodue. Bon, c’est pas un scoop hein , on le sait tous: les gros baisent aussi, ce n’est pas un luxe réservé aux minces. Mais pour la première fois on l’a vu à la télé. Et ça, c’est un vrai progrès. Sans compter le fait que la target de Raphaëlle, Ruben, prof de maths, est très loin d’être un thon qui veut se taper de la baleine (ouais, j’ose dire ce genre de choses, j’ai assez longtemps été obèse pour avoir le droit de parler comme ça sans être taxée de grossophobe) (et pis j’suis Maman Baleine hein, entre baleines on s’comprend donc pas de malaise). Idem pour son ex, le banquier, que nombre d’entre nous attraperaient bien volontiers dans leurs filets.
En revanche deux aspects du téléfilm m’ont quelque peu déconcertée. D’un: la façon dont est traitée la thématique de la chirurgie bariatrique. Au début, Raphaëlle décide se faire opérer et le chirurgien qu’on nous présente est un gars expéditif, qui n’hésite pas à inventer des comorbidités ou à antidater la demande de prise en charge pour accélérer les choses. WHAT THE FUCK ??
En revanche l’endocrino que finit par consulter la nana est présentée comme THE good doctor, la doc super empathique qui va rechercher les causes du problème (génétique, environnement familial, dérèglement hormonal, pathologies diverses…) plutôt que de simplement s’occuper des conséquences. Bon, on est d’accord, s’occuper des causes et pas que des conséquences, c’est essentiel. Mais de là à faire passer le chirurgien pour un Jack L’éventreur qui ne voit en chaque client patient qu’un tas de pognon potentiel, bah y’a une marge quand même.
Deuxième point négatif: c’est quoi cette manie de faire passer les gros / anciens gros / moches / anciens moches des séries télé ou des films (faites votre choix) pour des égocentriques revanchards ?? Je n’ai pas compris pourquoi les scénaristes ont décidé de faire passer Raphaëlle, qui décide de se battre contre la grossophobie ambiante, pour une revancharde aigrie et autocentrée parce qu’elle acquiert une certaine visibilité médiatique et une notoriété sur les réseaux sociaux… Depuis quand se battre pour défendre une cause est égal à être aigri et égoïste, ambiance Carrie au Bal de Promo qui se venge de tous ceux qui l’ont harcelée au lycée ?? Si on va au bout du raisonnement, maintenant que je fais une taille 36 je dois me venger de tous les connards qui m’ont méprisée quand je faisais 123kg et de toutes les pestes qui m’ont fait pleurer au collège et au lycée ? Sans déconner… #payetoncliché #nonmaisallôquoi
Je ne reviendrai pas sur la polémique du fat suit qui entoure ce téléfilm depuis hier sur les réseaux sociaux, notamment via des collectifs de lutte contre la grossophobie. Pour ceux qui n’ont pas suivi, Juliette Katz, plutôt pulpeuse à la base, a porté pour les besoins du film un fat suit, c’est à dire un costume de gros pour lui donner l’apparence d’une femme de 145kg. Voilà donc la production taxée de grossophobe. Bah oui, pourquoi ne pas caster une actrice ayant réellement le physique recherché pour le rôle plutôt que choisir une actrice moins grosse mais certes plus connue et bankable? Effectivement, on a cette impression que Juliette Katz est « déguisée » en grosse, et ça peut être très vexant pour les gens qui vivent au quotidien avec cette silhouette. Mais n’oublions pas une chose: certes, la demoiselle ne pèse 145kg comme le personnage du téléfilm. Mais elle est loin de la taille 36 donc elle sait très certainement parfaitement ce que c’est de vivre dans un corps qui sort des normes sociétalement établies. Alors quoi ? Juliette Katz n’est pas assez grosse pour être légitime dans ce rôle ? Non mais LOL… Ne serait-ce pas un peu l’hôpital qui se fout de la charité ??
Dans cette histoire c’est l’affiche promotionnelle du film qui me gène le plus…
Puisque l’héroïne pèse 145kg, vendons le film en la montrant dans un état déplorable, en vêtements pourraves, la tronche en vrac et entrain de s’empiffrer de saloperies devant la télé hein… Bah oui, c’est bien connu, les gros sont des feignasses qui ne font que bouffer toute la journée sur leur canapé et qui ne savent ni se fringuer ni s’apprêter… #BalanceTonGrosCliché
Bref, l’intention de départ était bonne: montrer enfin les obèses dans l’espace public, dans un monde où bizarrement, plus tu es gros et moins tu es visible. Dommage que malheureusement les scénaristes soient tombés dans certains écueils trop prévisibles et dans les clichés de base qui, au final, ne font que desservir le film.
Pour info, si vous l’avez loupé, vous pouvez voir le film complet en replay en cliquant ici !
Et vous, vous en pensez quoi ?
J’en pense que, malgré tes remarques pertinentes sur les loupés de scénario, c’est quand même un très bon film que j’ai pris plaisir à regarder et qui peut ouvrir l’esprit de certains… enfin j’espère ; sinon j’ignorais totalement que la ravissante Juliette Katz avait été artificiellement grossie ; je n’ai rien remarqué.
Film trop optimiste, tout ne finit pas comme ça dans la vie hélas